Science-Fiction

La main gauche de la nuit de Ursula K. Le Guin

Titre original : The left hand of darkness
Éditions Robert Laffont – Collection Ailleurs & Demain
Octobre 2021 – 312 pages – 22,90€
Traduction de Jean Bailhache révisée par Sébastien Guillot

Quatrième de couverture :

Sur Gethen, planète glacée, il n’y a ni hommes ni femmes, seulement des êtres humains. Des hermaphrodites qui, dans certaines circonstances, adoptent les caractères de l’un ou l’autre sexe.

Genly Aï, un ambassadeur venu de la Terre, est chargé de rallier Gethen aux autres planètes déjà réunies sous les couleurs de l’Ekumen. Mais mille obstacles se dressent devant lui. La tâche sera rude. Parviendra-t-il à mener à bien sa mission ?

Avis personnel :

Pour commencer, quelques mots sur cette somptueuse édition. Le livre est un grand format broché avec un ruban servant à marquer la page et assorti à la couverture. Celle-ci est dans les nuances de bleu foncé et d’argent et présente des reflets, le titre est légèrement en relief. Cette version collector est agrémentée par une préface de Catherine Dufour et une postface de Jean Bailhache qui donnent quelques éclairages supplémentaires après la lecture de ce roman qui bénéficie aussi d’une traduction révisée.

J’aime beaucoup les écrits de la regrettée Ursula K. Le Guin. Jusque là, je ne m’étais aventurée que dans ses récits de fantasy. La main gauche de la nuit est un roman de science-fiction qui s’inscrit dans le cycle de l’Ekumen mais qui se lit parfaitement indépendamment des autres tomes. Ecrit en 1969, ce livre a remporté les prix Nebula et Hugo. Les thèmes que l’autrice aborde questionnent encore aujourd’hui…

Le jour est la main gauche de la nuit,
et la nuit la main gauche du jour.
Deux font un, la vie et la mort
enlacés comme des amants en kemma,
comme deux mains jointes,
comme la fin et le moyen.

Dans ce space opera, l’histoire se passe sur Gethen, une planète glacée où les êtres humains sont hermaphrodites. Genly Aï, un ambassadeur venu de la Terre, est chargé de rallier Gethen aux autres planètes déjà réunies sous les bannières de l’Ekumen, une organisation interplanétaire qui réunit différents systèmes stellaires autour d’échanges commerciaux. Entre les conditions climatiques très difficiles et la situation politique tendue, Genly Aï aura fort à faire pour mener sa mission à bien. Il commence celle-ci en Karhaïde, l’un des plus grands domaines de la planète, où il traite avec le premier ministre, Therem Harth rem ir Estraven.

Si les premiers chapitres semblent faire de Genly Aï le héros, la suite du roman donne aussi la parole à Estraven ce qui fait d’eux deux nos protagonistes. Le roman alterne ainsi le point de vue des deux personnages, même si Genly Aï est le principal narrateur, pour raconter l’histoire tout en proposant aussi des contes et notes sur la planète. Cette double narration permet au lecteur d’avoir des perspectives différentes sur la planète et ses habitants qui la composent. La société de Gethen diffère de la nôtre par bien des aspects mais les individus qui la composent restent des êtres humains.

Genly Aï est perturbé par la non-binarité des habitants de Gethen. En effet, il n’arrive pas à prendre le recul nécessaire pour passer outre cet état de fait. Il donne des attributs féminins ou masculins aux différentes personnes qu’il rencontre alors que ces êtres humains ne possèdent pas de genre sexuel. Il ne fait pas confiance à son principal interlocuteur, Estraven, ce qui n’est pas de bon augure pour sa mission. En tant qu’étranger investi d’une mission, il ne s’intègre pas parmi les peuples de Gethen. Son manque de discernement la compromet d’ailleurs parfois. Au fil des épreuves qu’il rencontre, de sa fréquentation des habitants et du soutien d’Estraven, son opinion sera amenée à changer.

Genly Aï explore deux régions de Gethen : la Karhaïde et Orgorein. Les deux domaines ne sont pas construits de la même façon : un roi est à la tête du premier tandis qu’un gouvernement de type communiste dirige le second. L’ambassadeur va passer plusieurs mois dans chacun des domaines en expliquant le fonctionnement qu’il perçoit. Les écrits d’Estraven apportent un contrepoint sur ceux de Genly Aï. Outre le temps qu’ils vont passer dans ces deux sociétés, les deux héros vont vivre une expédition polaire qui fera perdre à Genly Aï sa méfiance et accepter leurs différences s’ils veulent survivre.

Dans ce roman, Ursula K. Le Guin aborde des thèmes sociétaux qui émergeaient à l’époque. Certains font encore écho aujourd’hui : la question du genre, l’égalité des sexes, les droits civiques, etc. Cependant, ce roman reste avant tout une oeuvre de science-fiction mémorable. Le récit inventif, la narration fluide et les personnages complexes font de ce roman une réussite. Comme l’a dit Lorris Murail : « La main gauche de la nuit appartient à ce que la SF a produit de plus beau et de plus puissant. ».

Ursula K. Le Guin construit un monde très riche avec une société développée dont chaque région possède ses propres caractéristiques. Le lecteur, à travers les yeux de Genly Aï, n’en aperçoit qu’une infime partie. La main gauche de la nuit est un roman fascinant, d’aventure et d’exploration, mettant en avant la tolérance et l’acceptation d’autrui. Même si nous sommes différents et que des éléments nous demeurent incompréhensibles, il est toujours possible de communiquer et de trouver des rapprochements voire de construire des amitiés.

En résumé :

La main gauche de la nuit est un roman de science-fiction passionnant. Le monde imaginé par Ursula K. Le Guin est très riche et l’aventure que vivent nos deux héros prenante. Les idées développées et le ton très humain du récit font de celui-ci un beau discours de tolérance.

Science-Fiction

Anamnèse de Lady Star

Anamnèse de Lady Star de L. L. Kloetzer

anamnese-de-lady-starEditions Denoël – 455 Pages
Avril 2013 – 21,50 €

Quatrième de couverture :

Futur proche.

Un attentat à Islamabad a provoqué une pandémie terrifiante. Les trois quarts de la population mondiale ont disparu. L’arme utilisée : la bombe iconique. Les coupables ont été retrouvés, jugés et exécutés. Mais certains se sont échappés.

Parmi eux, une femme, leur inspiratrice, leur muse. Sa simple existence est un risque : tant qu’elle vit, la connaissance menant à la bombe reste accessible.
Elle a disparu, n’a laissé aucune trace, pas l’ombre d’une ombre. Des hommes disent pourtant l’avoir rencontrée : savants, soldats, terroristes, ermites… Ont-ils rêvé ?

Voici le récit d’une enquête, de l’Asie à l’Europe, des terres dévastées jusqu’aux sociétés hypertechnologiques de l’après-catastrophe. Un jeu de pistes, doublé d’une plongée dans les archives digitales de notre futur, avec le plus fou des enjeux : refermer la boîte de Pandore.

anamnese

Avis personnel :

C’est avec Anamnèse de Lady Star que je commence mon partenariat avec les éditions Denoël. Ce qui m’a tout d’abord attiré chez ce livre, c’est sa couverture. Elle est magnifique et très intrigante. Le créateur Stéphane Perger a vraiment réalisé un superbe travail ! Le synopsis avait aussi éveillé ma curiosité. Malheureusement, je n’ai pas accroché à ce livre, trop étrange, et j’ai fini par l’abandonner. C’est tellement rare, je me force généralement à finir les livres mais après trois semaines passées dessus, j’ai finalement arrêté. Peut-être le reprendrai-je un jour, surtout que j’ai lu beaucoup d’échos positifs dessus.

 En attendant, je ne vais pas vraiment pouvoir vous parler de ce livre. Le lecteur suit la recherche de Lady Star, créature extraterrestre, une Elohim, aux multiples facettes et identités. A travers différents lieux et témoignages, sa réalité se construit. Mais je n’ai pas été enthousiasmée par cette quête.

Ce livre aborde divers sujets et invite à réfléchir sur eux. Malgré le nombre peu conséquent de pages que j’ai lu, j’ai pu voir de nombreux sujets tels que la religion, le pouvoir des hautes sphères, l’argent, le terrorisme, les réseaux sociaux, la modernité… Bref, il y a matière à s’interroger !

En résumé :

Un livre français SF qui s’avère être une lecture exigeante.

Science-Fiction

« Le monstre ? Il n’est jamais revenu. »

La sorcière d’avril et autres nouvelles de Ray Bradbury

sorciereavrilEditions Actes Sud Junior
Ecrits dans les années 50
Avril 2001 – 94 Pages – 11,50€
Illustrations de Gary Kelley

Quatrième de couverture :

Dans ce monde-là, les sorcières sont des jeunes filles qui rêvent de tomber amoureuses et d’aller danser, les hommes noirs échappés de la Terre vivent heureux sur Mars loin des hommes blancs, la brousse africaine a virtuellement envahi la chambre des enfants et les monstres marins émergent de l’eau pour faire écho aux sirènes des phares. Dans ce monde-là, les frontières entre le réel et l’imaginaire ont disparu, et le fantastique se mêle de poésie. Ce monde-là, c’est l’univers d’un maître de la science-fiction.

Avis personnel :

Ce recueil jeunesse est composé de quatre nouvelles de science-fiction. L’auteur envisage un autre monde, peuplé de créatures étranges, ou un avenir très destructeur.

La Sirène (The fog horn en VO) est la première nouvelle de ce recueil et ma favorite. L’histoire se passe dans un phare. La Sirène émet régulièrement un cri. Des profondeurs, un monstre millénaire l’entend et vient y répondre. L’atmosphère est plutôt angoissante. Cette nouvelle fait entre autre réfléchir sur la vie. J’ai aimé cette histoire et la façon dont elle est racontée.

C’est ça la vie, dit McDunn. Attendre toujours quelqu’un qui ne revient pas. Aimer toujours plus quelqu’un qui vous aime toujours moins. Et au bout d’un certain temps arriver à vouloir le tuer pour qu’il ne puisse plus vous faire souffrir.

Dans Comme on se retrouve (The other foot), les hommes noirs ont fui la Terre pour coloniser Mars où ils habitent enfin en paix. Mais une fusée s’approche d’eux… Comment se comporter face à cet homme blanc ? La date d’écriture de cette nouvelle est importante pour comprendre tous les événements de cette période : les noirs ayant des places réservées au cinéma, dans les bus, etc pour éviter le plus possible d’être mêlés aux blancs. Une nouvelle très intéressante pour réfléchir aux conditions sociales de cette période.

La brousse (The veldt) est une nouvelle bien étrange et dont la fin fait peur. Dans un futur technologique, les humains habitent dans des maisons et ont des appareils qui font tout à leur place : lacer ses chaussures, préparer à manger, etc. Dans cette nouvelle, une famille vit dans une de ces maisons. Si les parents se rendent peu à peu compte de la perte de leur liberté et veulent y remédier, les enfants ne sont pas prêts à tout abandonner. Ils n’ont guère d’affection pour leur parents et ont reporté cette amour sur leur pièce spéciale qui crée tout ce qu’ils imaginent. Si cela est censé n’être que de la fiction très proche de la réalité, quelle est la limite ?

La Sorcière du mois d’avril (The April witch) raconte l’histoire de Cecy, une sorte d’esprit qui peut vivre dans toutes sortes de choses (chien, feuille, goutte de pluie…). Elle prend possession du corps d’Ann car elle veut tomber amoureuse. Elle va alors à une soirée dansante avec Tom, épris d’Ann. Une histoire d’amour particulière.

J’ai adoré l’écriture de ces nouvelles. Tout est très poétique et philosophique. Ce recueil est classé jeunesse et il doit être très intéressant de l’étudier. Mais toute personne peut le lire pour son propre plaisir.

Un dernier mot sur les illustrations qui accompagnent le texte. Peu nombreuses, elles correspondent bien aux récits. Elles sont en pastel, j’ai beaucoup aimé leur rendu. Vous pouvez voir quelques créations dans la galerie de l’auteur pour les intéressés.

En résumé :

Des nouvelles très poétiques qui invitent le lecteur à réfléchir sur le monde.

Science-Fiction

« Le temps des explorations est revenu. »

Almoha ; Tome 1 : La muraille interdite de Serge Brussolo

Editions Milady – 442 Pages
Mai 2012 – 8 €
Série en deux tomes
Tome 2 : Le serment de feu à paraître

Quatrième de couverture :

Quelle est cette immense muraille qui coupe en deux le Royaume d’Almoha ?
Au nord règnent la famine, la boue, une pesanteur qui lamine les humains et les transforme en monstres pathétiques. Au sud, personne ne sait ce que dissimule le terrible rempart équatorial. Les légendes parlent d’un pays où tout n’est que richesse et beauté. Mais peut-on croire aux légendes ?
Nath, lui, vit au nord, sur la plaine boueuse. Entre les varans mangeurs d’hommes, la tyrannie des Sentinelles et les nuages pétrifiés, véritables icebergs volants qui s’abattent mortellement sur les cités, Nath se met en quête du paradis. Mais la muraille cache plus d’un secret… et plus d’une épouvante.

Avis personnel :

Serge Brussolo est un auteur français qui écrit depuis des années. Almoha est un univers qu’il a déjà exploré à plusieurs reprises dans Les sentinelles d’Almoha ou encore dans Sigrid et les mondes perdus qui sont deux séries destinées à la jeunesse. La version que j’ai pu découvrir grâce à la masse critique de Babelio n’est ni édulcorée ni incomplète, les éditions Milady ont choisi de publier une version fidèle aux manuscrits d’origine. Le ton est par ailleurs beaucoup plus adulte. La série sera un diptyque et ce premier tome comporte deux parties. La première partie présente l’univers particulier qu’est Almoha ainsi que les personnages principaux. Cela n’empêche pas le héros de vivre déjà de multiples aventures – ou mésaventures. Dans la deuxième partie, les protagonistes tentent d’atteindre la muraille et découvrent ce qu’il y a réellement derrière…

Nath n’avait aucune idée de ce qu’ils allaient devenir, ni de ce qu’il convenait de faire. Il songea qu’il aurait voulu être semblable à ces héros de roman qu’aucune catastrophe ne désoriente et qui disposent toujours d’un plan de rechange.

Almoha est une planète très différente de la Terre et pour que le lecteur la perçoive bien, l’auteur la compare souvent avec notre planète. Des décennies auparavant des colons en provenance de la Terre se sont installées sur Almoha. C’était au départ une planète au climat accueillant mais par la suite, elle a été victime d’une malédiction jetée par un sorcier exécuté. Comme ce sorcier condamné à l’écrasement par des pierres, la pesanteur écrase les gens. Il est impossible de s’élever dans les airs sans devenir fou puis mourir rapidement en raison du manque d’oxygène. Toutefois certaines potions existent mais seuls des chimistes/sorciers savent les préparer. La pesanteur a aussi affecté le climat : les nuages sont devenus durs et descendent sur les cités qu’ils rasent, la pluie se transforme en gravier, la terre est boueuse et il est difficile de trouver un sol sec. Du moins, c’est le côté Nord d’Almoha. Les deux hémisphères sont séparés par une muraille que peu de monde a vue et personne n’est revenu pour en témoigner. La légende dit qu’au Sud existe un paradis terrestre où l’on peut vivre et respirer librement.

Ce monde est peuplé d’étranges créatures comme des lézards qui se nourrissent de chair humaine. Il y a aussi les Têtes-Molles, ces humains qui se comportent comme des animaux. Des sorciers, des pirates, des démons, des fantômes, des aventuriers…que de monde ! Nath, le protagoniste, est un jeune homme qui a fui sa ville natale, Solterra, en quête de liberté. Finalement, après quelques mois, il retourne chez lui. Mais il est alors considéré comme un paria car il a cherché un ailleurs meilleur. Tout le monde est dans le même désespoir et personne ne peut tenter d’échapper à son destin misérable. Il lui est alors difficile de trouver un travail et un toit sans quoi il ne tiendra pas deux jours vivant. Courageux, il va se battre pour un avenir qu’il n’entrevoit pas. Les deux autres personnages importants sont Sigrid et Neb Orn. La première est une amie d’enfance de Nath, jeune femme forte et volontaire, elle n’a pas sa langue dans sa poche. Le héros fait la connaissance du second, harponneur de nuages, lors d’un voyage en bateau et ils vont se lier d’amitié. Homme d’âge moyen, il cache une certaine tendresse derrière son corps robuste.

J’ai été plongée dans l’histoire dès la première page, la lecture est plutôt rapide. La narration est dans un style courant tandis que différents types de registre (familier, courant, soutenu) sont présents dans les dialogues selon les personnages. Quantité de choses arrivent au héros et rares sont les bonnes nouvelles. Rien n’est épargné aux personnages : ils perdent des êtres chers, ils sont mutilés, ils souffrent…mais ils survivent. J’ai vraiment hâte de connaître la suite de leurs aventures !

En résumé :

Une série en deux tomes seulement où les héros vivent de nombreuses aventures et dont l’avenir semble bien incertain. Almoha est un univers particulier bien développé et aux possibilités infinies.

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