La solitude des nombres premiers de Paolo Giordano
Titre original : La solitudine dei numeri primi
Editions Points – 343 Pages
Avril 2010 – 7 €
Traduction de Nathalie Bauer
Quatrième de couverture :
Elle aime la photo, il est passionné par les mathématiques. Elle se sent exclue du monde, il refuse d’en faire partie. Chacun se reconnaît dans la solitude de l’autre. Ils se croisent, se rapprochent puis s’éloignent, avant de se frôler à nouveau. Leurs camarades de lycée sont les premiers à voir ce qu’Alice et Mattia ne comprendront que bien des années plus tard : le lien qui les unit est indestructible.
Avis personnel :
C’est en premier lieu par le titre que ce livre a attiré mon attention puis le synopsis m’a convaincu. J’ai passé un très bon moment de lecture malgré un sentiment d’inachevé laissé par la fin. En effet, celle-ci n’en est pas vraiment une. Il y a de l’espoir mais pas assez à mon goût. D’un certain côté, la fin est tout à fait appropriée et même si j’aurais souhaité autre chose, elle me convient mais je la trouve tout de même trop abrupte. Enfin, cela ne gâche pas tout le roman qui se dévore d’une seule traite tellement l’histoire est captivante.
Ce roman pourrait se définir par la rencontre de deux individus renfermés sur eux-mêmes qui se cherchaient sans en avoir conscience et se trouvent enfin. Mais ils ne font que se croiser et se recroiser tout au long du roman. Alice est une jeune fille anorexique qui boite suite à un accident de ski. Mattia est un surdoué, il a perdu sa sœur jumelle très jeune et depuis il s’automutile pour ressentir quelque chose. Tous les deux sont des êtres déchirés, blessés physiquement et psychologiquement. De plus, la communication n’est pas aisée avec leur famille. Leurs blessures enfantines ne guériront jamais et ils se construiront autour de cela. Ce sont des personnages abîmés voire torturés. Trop de malheurs les touchent et malgré leur complicité, ils sont seuls. Beaucoup de souffrance et de cruauté sont montrées dans une atmosphère pesante. J’ai été surprise du manque de réaction des parents, leur entourage semblant indifférent à leurs problèmes. Adolescents pendant plus de la moitié du livre, ils finissent toutefois par grandir. Malgré des périodes d’absence très longues où ils ne se voient pas, leur destin est toujours mêlé.
Il n’y a pas réellement d’intrigue. Le livre est séparé en plusieurs parties, chacune représentant une période. Il débute ainsi en 1983 pour se clore sur 2007. Les récits sont individuels : un chapitre pour Mattia puis un chapitre sur Alice. Quelquefois tous les deux se croisent et partagent alors la même page. Parfois, d’autres personnages sont mis en avant comme Denis, un ami de Matthia étant parvenu à entrer un tant soit peu dans son monde. Les parties marquent une évolution des personnages mais toujours axée autour de la solitude. Il s’agit de simples morceaux de leur vie et de longs moments sont passés sous silence. Il est plutôt difficile de s’attacher aux personnages vu que l’on ne survole que quelques instants de vie. Toutefois, on ressent beaucoup d’émotions avec leur histoire. A la fin de la lecture, il reste une impression fugace de tristesse infinie. On est tellement pris dans le récit, espérant un peu de bonheur pour ces personnages.
L’écriture est moderne, à la fois simple et fluide. Souvent froide, marquant une certaine distance, cela n’empêche pas de ressentir une certaine sensibilité à travers les mots. Le style est réaliste avec des détails crus. Les descriptions sont justes et livrent un récit touchant. Toutefois, malgré le malheur des personnages, leurs sentiments sont exprimés sans apitoiement. Un dernier détail avec le regret qu’il n’y ait pas plus de mathématiques.
En résumé :
Un livre poignant sur l’histoire de deux solitudes qui se croisent.
Extraits :
Car Mattia et elle étaient unis par un fil élastique et invisible, enseveli sous un fatras insignifiant, un fil qui ne pouvait exister qu’entre deux individus de leur espèce, deux individus qui avaient reconnu leur solitude dans celle de l’autre.
Mattia pensait qu’Alice et lui étaient deux nombres premiers jumeaux, isolés et perdus, proches mais pas assez pour se frôler vraiment.
Ils avaient traversé les années en apnée, lui, refusant le monde, elle, se sentant refusée par le monde, et ils s’étaient aperçus que cela ne faisait pas beaucoup de différence.