Chronique des rivages de l’ouest ; Tome 2 : Voix de Ursula K. Le Guin
Editions L’Atalante – 282 Pages
Traduction par Mikael Cabon
Quatrième de couverture :
«Mon premier réel souvenir est d’écrire la formule donnant accès à la salle secrète. Je suis si petite qu’il me faut lever le bras très haut pour tracer les signes où il se doit sur le mur du couloir, en l’air, sans toucher le revêtement. Une ouverture se ménage dans la paroi. J’entre.»
Ansul était jadis une ville paisible, riche de ses nombreuses bibliothèques, ses écoles et ses temples. C’était avant l’occupation des Alds. Les Alds croient en la présence de démons dissimulés dans les mots. Aussi interdisent-ils la lecture et l’écriture, sous peine de mort.
Tout cela changera-t-il bientôt ? Voici venus des Entre-Terres le poète Orrec Caspro et son épouse Gry. Dans la voix du célèbre conteur résonne un appel qui peut éveiller le peuple opprimé.
Avis personnel :
Si vous n’avez pas lu le premier tome (chronique ici), ne lisez pas ce premier paragraphe qui en reprend des éléments. Vous pouvez lire la suite puisque les tomes peuvent se lire indépendamment. Dans le premier tome, Dons, nous suivons l’histoire d’Orrec, jeune homme possédant un pouvoir particulier : celui de la destruction. Ayant appris qu’il possède en réalité celui de la création, il part à la fin du roman avec son amie Gry à la découverte d’autres terres. En ouvrant ce deuxième tome, je m’attendais à retrouver nos héros mais ce n’est pas le cas. Ceux-ci interviennent bien dans le roman mais tardent à apparaître.
Nous découvrons une jeune fille : Némar. Nous en apprenons beaucoup sur son passé au début du roman puis par la suite par quelques coupures dans les événements présents avant que l’histoire ne prenne réellement place. Sa cité, Ansul, autrefois ville paisible connue pour ses livres, n’est plus aujourd’hui que soumise aux Alds qui croient en la présence de démons. La lecture et toute forme d’écrit ont ainsi été supprimées et quiconque est vu avec un livre est condamné à mort. Némar, née comme tant d’autres enfants, d’une mère ansulienne violée par un Ald dix-sept ans plutôt, n’accepte pas cette domination des Alds et cherche à se révolter. Le poète Orrec Caspro, accompagné de son épouse Gry, arrive dans cette ville. Est-ce que la voix du conteur, célèbre pour son hymne à la liberté, pourra libérer Ansul ?
C’est avec plaisir que j’ai découvert le personnage de Némar. A la fois fragile et forte, éprouvant une haine féroce envers les Alds, elle saura aussi se montrer très sensible. Digne héritière de la maison des Galva, assistant le passemestre, elle se révèlera capable d’ouvrir la porte secrète et de peut-être interpréter les messages de l’Oracle…Petite fille curieuse mais terrorisée, elle grandira aux côtés du passemestre, consulté pour prendre des décisions importantes pour la ville. Une grande affection se lie entre eux deux et ne cessera de perdurer. Némar, apprenant à lire, mais aussi à connaître ce qui l’entoure, pourra accorder son pardon. Outre Némar, d’autres personnages sont très intéressants. Le passemestre, vieil homme brisé, est pourtant toujours résistant et présent pour sa ville.
Finalement, nous retrouvons Orrec et Gry. De longues années se sont écoulées et ils ont beaucoup changé. Orrec est présenté comme un conteur d’exception, tandis que nous connaissons plus Gry par son rapprochement avec Némar. Même si j’ai adoré découvrir Némar, c’est avec regret que j’ai vu la vie de Orrec et Gry quasiment passée sous silence, excepté quelques détails. Un livre sur leur arrivée dans une ville, sur le savoir qu’a acquis Orrec aurait été réellement captivant. J’aurais aimé vivre avec eux quelques moments de leur passé.
Comme à son habitude, Ursula K. Le Quin crée un monde tout en finesse. Ansul, ville très réaliste, avec ses coutumes, sa religion, ses régions voisines, sa conquête et sa révolte qui gronde. Ville bien que soumise pendant dix-sept ans, prête à revivre les jours heureux d’autrefois. Elle nous peint des personnages vrais, très attachants. Nous suivons essentiellement Némar et nous voyons ce qu’elle vit comme si nous y étions. Nous vibrons pour elle et nous la comprenons. Avec une écriture très fluide, le livre est un moment d’enchantement. Véritable conte, que ce soit par les personnages comme Némar racontant l’histoire, le conteur Orrec ou par les mots très poétiques, ce livre nous offre une ode à la lecture et à l’écriture. Laissez-vous transporter par la magie des mots !
En résumé :
Un livre superbe, que ce soit par les thèmes abordés, les personnages auxquels on s’attache très facilement ou pour l’écriture si magique de Le Guin.
Challenge : Participation au challenge Magie et Sorcellerie Littéraires.
Extrait :
Pour la première fois depuis longtemps, je me sentis en paix, à ma place. Je laissai ce sentiment me gagner, m’imprégner, s’établir en moi. Cela me laisse le temps de réfléchir, avec patience et discernement, moins en termes de mots que de perception de ce qui importe et doit être fait. C’est ainsi que je pense, et je m’en révélais incapable depuis des mois.